26 avril 2018

C’est le Noël des dépisteurs

Il y a de ces métiers dans le sport professionnel auxquels on ne pense pas souvent ou qui ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent. Spécialiste du repêchage ou dépisteur, par exemple… Salut, Russ !

Avec le repêchage de la NFL qui débute jeudi, puis celui de la LCF qui arrive à grands pas, on a pensé à s’entretenir avec notre propre Directeur du dépistage universitaire, originaire de Brooklyn, Russell Lande. Depuis 2013, a la chance de compter sur un gars accompli comme Russ (lisez sa bio complète ici) pour repérer et classer les meilleurs candidats pour la LCF en territoire américain.

Découvrez-en un peu plus sur son rôle et jetez un coup d’œil à ses prédictions pour les cinq premiers choix du repêchage de la NFL.

Comment ton expérience à titre de spécialiste du repêchage de la NFL te sert-elle dans le cadre du repêchage de la LCF ?

Elle me permet de continuer de croire au travail que l’équipe a fait tout au long de l’année. Je sais, et je le répète à mes collègues, qu’il ne faut pas se laisser déconcentrer par tout ce qu’on entend et par ce que font les autres équipes. Il faut s’en tenir au plan de match sur lequel Kavis a travaillé longtemps, que nous avons construit ensemble et ne jamais paniquer parce que nos adversaires ne font pas exactement ce qu’on pensait qu’ils feraient. J’ai travaillé longtemps dans le monde des médias. J’ai vu assez d’équipes paniquer pour savoir que la clé du succès est de rester concentré et de ne pas poser de gestes impulsifs.

Le stress lié au repêchage de la LCF est-il comparable à toute la pression qui entoure le repêchage de la NFL ?

Absolument. Même si la LCF n’obtient pas la même couverture média, il y a quand même des gens dont la carrière est mise à l’épreuve. Si tu fais de mauvais choix au repêchage pendant deux années consécutives et que ton équipe n’accède pas aux éliminatoires, tu peux perdre ton emploi.

Tu sais que tu ne peux obtenir tous tes choix, alors tu t’assurer que tes deux ou trois premiers gars pourront avoir un impact immédiat sur l’équipe. C’est particulièrement vrai dans la LCF précisément parce que tes choix sont Canadiens. Dans la NFL, si tu n’obtiens pas un de tes choix, tu peux toujours piger dans un énorme bassin de joueurs. Au Canada, il n’y a tout simplement pas autant de joueurs de football.

Le repêchage de la LCF représente-t-il un plus grand défi que celui de la NFL?  

Certainement ! C’est beaucoup plus compliqué de bâtir un alignement pour la LCF que pour la NFL. Tu dois réellement t’assurer d’en optimiser la portion canadienne pour être compétitif. Ça ajoute une dimension au repêchage et à la création d’un alignement qui n’existe pas dans d’autres ligues sportives. C’est une des choses qui rend la LCF si géniale et unique.

Certains joueurs canadiens pourraient aussi se retrouver chez nos voisins du Sud. Est-ce un autre défi du repêchage de la LCF ?

Bien sûr ! David Foucault en est l’exemple parfait. Nous l’avons repêché au premier tour il y a quatre ans. On savait qu’il avait été invité à un camp d’essai avec les Panthers de la Caroline, mais seulement 10 % des gars qui participent aux essais de la NFL sont mis sous contrat. On a donc pris le risque, mais David s’est retrouvé dans ce 10 %. Il a participé à trois camps d’entraînement de la NFL avant de revenir ici. Il faut vraiment bien connaître les chances qu’a chaque joueur d’être embauché dans la NFL.

Les dépisteurs doivent effectuer un classement des joueurs (Américains et Canadiens). Comment ton classement des joueurs américains devient-il utile à l’équipe après les deux repêchages ?

Kavis, Miles, Joe, Eric et moi avons chacun nos listes. Nous avons tous entre 10 et 15 gars pour chaque position et nous combinons nos listes afin d’en faire une seule à laquelle nous nous fions tous. Une fois notre repêchage terminé, on s’attaque à certaines positions précises. Ensuite, le défi est de convaincre les gars à venir jouer au Canada au lieu de rester assis à attendre un appel qui ne viendra peut-être jamais de la NFL. Plusieurs de ces gars-là ne sont pas prêts à abandonner leur rêve et n’ont jamais voyagé à l’extérieur des États-Unis.

Comment arrivez-vous à les convaincre de venir jouer ici, à Montréal ?

Ce qu’on essaie de dire aux gars c’est : « Je sais que tu veux jouer dans la NFL et je comprends, mais tu n’as pas de contrat, tu n’as pas été repêché. T’as le choix entre rester chez toi pendant un an ou venir JOUER au Canada. De toute façon, tu dois acquérir de l’expérience et recueillir des vidéos si tu veux obtenir une autre chance. » Je leur parle aussi souvent de gars comme Anthony Calvillo ou John Bowman qui sont Américains et qui ont connu de superbes carrières au Canada. Je leur explique que, comme aux É.-U., tu peux devenir la vedette d’une ville. En plus, Montréal a l’avantage d’être une métropole. La culture, la bouffe… c’est un endroit spectaculaire.

Tu as travaillé pour les Browns de Cleveland et ils ont le premier choix au repêchage comme nous cette année. Quel type de joueur les deux équipes doivent-elles acquérir lors de leur repêchage respectif ?

C’est très intéressant et, à vrai dire, je pense que les deux équipes sont dans des situations assez différentes. On trouvera idéalement un gars qui va pouvoir nous aider immédiatement, cette année, tandis que les Browns, parce qu’ils ont un nouveau DG, ont probablement plus de latitude. Ils pourront être plus audacieux. En plus, ils ont deux choix de premier tour et trois choix de deuxième tour.

Je connais John Dorsey et je sais que c’est un gars traditionnel. Il va vouloir un gars robuste qui pense au football 24 heures sur 24. Ils ont tout un défi à relever, mais je pense que John va arriver à renverser la vapeur.

Quel est ton meilleur souvenir de repêchage ?

Je pense que c’était quand j’étais avec les Browns et, en fait, les Browns n’en sont pas sortis gagnants. Je me suis battu vraiment fort pour un gars qui s’appelle Bob Sanders, mais personne ne voulait entendre parler d’un maraudeur de 5 pieds 8 pouces. Peu importe ce que je disais, je n’arrivais pas à convaincre l’équipe. Non seulement il a été repêché au deuxième tour, il est devenu All-pro et a éventuellement été nommé joueur défensif de l’année. J’avais raison, mais ça fait partie de la vie d’un dépisteur et c’est ce qui rend notre tâche si difficile.

 

Quelles sont les similitudes et les différences entre le dépistage pour la NFL et le dépistage pour la LCF?

C’est semblable parce que, dans les deux cas, on recherche des gars athlétiques, productifs et robustes. La plus grande différence c’est que, quand tu vois un gars exceptionnellement athlétique à titre de dépisteur pour la LCF, tu sais que tu ne l’auras pas tout de suite. T.J. Graham est l’exemple parfait. T.J. est un des joueurs les plus rapides de la ligue, s’il n’est pas le plus rapide. C’est un athlète phénoménal et on a dû attendre cinq ou six ans avant de le voir atterrir ici.

Pour certains, le temps des Fêtes est le plus beau moment de l’année, mais dirais-tu que pour toi, c’est le temps des repêchages ?

C’est vraiment un moment extraordinaire. Le repêchage c’est l’aboutissement de plusieurs mois de travail acharné et, ce n’est pas seulement une expérience agréable, c’est aussi l’occasion d’apprendre un tas de choses.

Les cinq premiers choix au repêchage de la NFL selon Russ Lande