2 novembre 2018

John Bowman et Luc Brodeur-Jourdain : exemples de longévité

Comme le veut la tradition, le lendemain ou le surlendemain du dernier match de la saison de nos Alouettes à Hamilton, la communauté médiatique montréalaise sera invitée à venir s’entretenir avec les joueurs dans le vestiaire.

Les premiers à être sollicités seront certainement les deux grands à qui l’équipe doit plusieurs de ses réussites : John Bowman et Luc Brodeur-Jourdain. Deux hommes en or qui ont su garder le moral et, surtout, montrer l’exemple, dans les meilleurs moments comme dans les pires.

Vous souhaitez sans doute savoir ce qu’ils pensent de la formation actuelle, de l’équipe d’entraîneurs, de la gestion de l’organisation et, bien sûr, vous vous demandez si vous aurez la chance de les voir à nouveau en action l’an prochain.

À vos questions, John Bowman répondra :

« En ce qui a trait au ratio défaite-victoire, on a connu une année terrible, c’est sûr, mais notre équipe était bien meilleure que les statistiques ne le montrent. L’équipe a grandi et moi, je vais y aller au jour le jour, comme je l’ai toujours fait. »

On devrait avoir des nouvelles sur les projets de Bow d’ici la fin de l’année, mais, quelle que soit sa décision, il fera toujours partie de la grande famille des Alouettes. Pareil pour son collègue, grand diplomate et philosophe à ses heures, Luc Brodeur-Jourdain.

« Tant que l’équipe aura besoin de moi, je serai là », a confirmé le gaillard qui compte continuer de s’entraîner tout l’hiver.

Contrairement à John qui n’a pas été délogé de son poste d’ailier défensif, Luc a dû céder sa place au centre à son bon ami Kristian Matte à quelques reprises au courant de la saison. Jamais il n’a perdu son éthique de travail toutefois.

« J’ai continué de me pointer tous les matins comme si j’étais partant. Je regardais le film attentivement. Mon éthique de travail, je l’ai appris en arrivant ici il y a plus d’une décennie de gars comme Anthony Calvillo, a confié notre numéro 58 qui, comme John Bowman, a soulevé la Coupe Grey à deux reprises dans l’uniforme bleu, blanc, rouge. J’espère que j’ai eu la même influence sur les plus jeunes. Si j’ai pu faire perdurer l’éthique d’Anthony, tant mieux. »

Luc n’est pas le seul à avoir suivi l’exemple de celui qui a disputé seize saisons au poste de pivot des Alouettes. John, lui, a profité de son temps au Québec pour apprendre le français et, surtout, à trouver du bonheur dans les petites choses.

« Quand je suis arrivé, il y avait un gars du nom d’Anthony Calvillo, un des meilleurs quarts de tous les temps, qui m’a dit d’apprécier ma chance. Il a lutté contre le cancer, sa femme aussi, et il m’a montré l’importance de profiter de la vie et de tirer le maximum des bons moments tant qu’ils durent, se rappelle John. C’est grâce à des gars comme lui et Anwar Stewart que je savoure encore aujourd’hui chaque minute que je passe sur le terrain et dans cette ville, près de la communauté. »

 

Si les gars sont parvenus à avoir autant de plaisir encore cette année malgré la fiche de l’équipe c’est que la réalité est loin d’être aussi désolante que ce que les chiffres portent à croire. L’objectif que s’est fixé le directeur général de rajeunir la troupe est en voie d’être atteint. Évidemment, il faut être patient avec le jeune talent. Il faut aussi pouvoir compter sur des vétérans comme Luc et John pour expliquer les rouages. Sans imposer ses façons de faire, John s’est assuré de transmettre ses connaissances et son sens des responsabilités à la relève, particulièrement cette saison.

« Je réponds aux questions des gars, je leur montre ce qui est à faire et à ne pas faire, mais je les laisse prendre leur place par eux-mêmes, affirme l’ailier défensif. Je ne force pas les choses, mais je me suis toujours assuré que tous les gars de la ligne défensive soient productifs et qu’ils se sentent imputables de leurs actions. Même si les chiffres ne le reflètent pas toujours, en regardant le film, on voit bien que notre ligne est bien meilleure que les résultats. »

Effectivement, dès le camp d’entraînement 2018, le front défensif dirigé par Bert Hill a été identifié comme l’une des puissances de l’équipe, et malgré l’échange quelque peu déstabilisant de Jamaal Westerman, elle l’est restée au fil des matchs. Quand un soldat quitte, c’en est un autre qui s’illustre; Jesse Joseph, par exemple, qui en a profité pour réaliser quatre sacs du quart. Les recrues Ryan Brown et Woody Baron ont aussi certainement tiré le maximum de leur première année aux côtés de John si l’on s’en fie à leur performance. Ils ont obtenu respectivement cinq et quatre sacs tout en contribuant grandement à faire de la défense l’unité solide qu’on a vue progresser rapidement à partir de la mi-saison.

« John Bowman porte plusieurs chapeaux, affirme Woody Baron qui a rapidement compris ce que Bow apporte à l’équipe. Il a su habilement faire le pont entre l’ancienne tradition et le nouvel optimisme. Il nous a montré comment faire preuve de constance à un très haut niveau, tout en étant toujours très à l’écoute des jeunes. Il rassemble tout le monde dans le groupe de la ligne défensive, il est fiable, sympathique et transparent. »

Ce n’est pas sans avoir laissé sa marque que John accrochera ses crampons. S’il les accroche, bien sûr. Son départ, il l’a préparé.

« Je ne voulais pas laisser l’organisation sans espoir, comme quand AC a pris sa retraite, a-t-il expliqué. Avec le temps, j’ai appris à laisser les plus jeunes prendre plus de place. Je n’ai plus besoin d’être sous les feux des projecteurs tout le temps. Je veux juste m’amuser et jouer au football. »

L’effet LBJ aussi s’est fait ressentir dans le vestiaire dans les dernières années. L’ancien demi offensif des Alouettes Tyrell Sutton, que Luc a su protéger pendant près de six saisons, affirme :

« LBJ est le coéquipier parfait. C’est un des gars les plus intelligents que j’aie vu jouer. Il peut dire à chacun des joueurs de ligne à l’attaque ce qu’il est censé faire. Il simplifie les choses pour tout le monde, affirme Sutty qui a remporté le titre pour le plus grand nombre de verges au sol avec Luc aux commandes du front offensif. À l’extérieur du terrain, il était tout aussi dédié. Il ne voulait rien d’autre que de faire honneur à son nom, sa famille et sa ville en donnant le maximum de lui-même à l’organisation qu’il a toujours eue à cœur : les Alouettes. Même s’il était le petit jeune à l’époque, il s’est intégré à une ligne d’expérience et l’a rendue encore meilleure. Il a protégé le quart le plus décoré pendant des années et n’a jamais hésité à prendre les jeunes sous son aile. »

On ne s’inquiète pas pour Luc toutefois. Quand il n’est pas entouré de ses coéquipiers, il est auprès de sa famille, sa blonde Marie-Élaine et leurs trois fils. Là, ils en ont par-dessus la tête avec les rénovations à la maison. Excavation et tout le tralala… Luc devait justement aller déplacer de gros blocs de béton après son entrevue téléphonique. Tout ça, pendant que les petits attrapent les vilains virus qui courent. Bref, Luc a une vie à côté du football, une vie qu’il a pris soin de bâtir et à laquelle il consacre toute l’énergie qui lui reste après ses matchs et pratiques.

« Je ne suis pas prêt à penser à après, nous a-t-il confié avant le dernier match à domicile. Toute mon énergie va au football et à ma famille. Après, ce sera après. »

De toute façon, Luc est le premier à savoir que les choses ne se déroulent pas toujours (rarement même) comme prévu. Les plans sur trois, cinq ans sont difficilement concevables pour lui. Inscrit au Cégep pour devenir technicien en électronique, LBJ s’est initié tard au football. Puis, il a été recruté par le ROUGE et OR parce qu’il continuait de bloquer avec ferveur, parce qu’il continuait d’aider ses coéquipiers à se relever, malgré la fiche terrible de son équipe, les Géants de Saint-Jean-Sur-Richelieu. Si LBJ s’est taillé une place parmi les grands, c’est qu’il a toujours fait ce qu’il devait faire quand il était temps. C’est d’ailleurs la leçon qu’il souhaite le plus enseigner à ses enfants : être présent à chaque instant.

John et Luc auront tous les deux enfilé l’uniforme montréalais pendant plus d’une décennie dans une ligue où la moyenne tourne autour des trois saisons, et auront accordé d’innombrables heures aux écoles, hôpitaux et organismes de la communauté montréalaise. Le dernier match de la saison de nos Alouettes à Hamilton représentera pour eux encore une autre occasion de jouer au jeu qui les a vus devenir les hommes inspirants qu’ils sont aujourd’hui. Que ce soit la dernière, ou pas.

Merci les gars.