6 novembre 2019

Longue lecture : L’ascension rapide de Khari Jones

Ç’aurait pu être le début de la fin.

C’était la fin du camp d’entraînement. Les Alouettes étaient prêts à dévoiler leur formation de 48 joueurs, lorsque tout à coup, la formation montréalaise a annoncé une nouvelle majeure : l’entraîneur-chef Mike Sherman avait été limogé. Les Als avaient décidé d’offrir le poste à leur coordonnateur offensif Khari Jones.

C’était le dimanche 8 juin. Les Oiseaux s’en allaient à Edmonton pour le début de leur saison 2019, pour y affronter les Esks, samedi le 14 juin. L’optimisme était déjà à son plus bas et l’annonce du départ de Sherman à l’aube de la saison n’aidait pas la cause des Alouettes.

Il y avait un nuage noir qui planait au-dessus de leur tête.

Le « projet » Johnny Manziel était un fiasco. Par la suite, les Alouettes sont devenus la propriété de la Ligue canadienne de football (LCF). Quatre saisons sans participer aux matchs éliminatoires avaient fait mal à l’assistance au stade Percival-Molson et maintenant Sherman – un choix mitigé, dès le départ, avouons-le – n’était plus là. Il avait été remplacé par Jones qui, malgré plus de 20 ans d’expérience dans la LCF comme joueur et entraîneur, n’avait jamais été entraîneur-chef. Un mois plus tard, le DG Kavis Reed a été congédié. Les Als l’ont remplacé par Joe Mack, mais Jones s’est vu donner plus de responsabilités, également.

Les probabilités allaient à l’encontre de Jones et son équipe.

« Je ne peux pas en dire assez des opportunités qui se présentent à nous, en ce moment », avait-il dit, lors d’une conférence de presse téléphonique, ce jour-là.

C’est ce que vous devez dire en pareilles circonstances. Lorsqu’un emploi qui ne vous était pas destiné vous tombe dessus. Avec toutes les responsabilités et la pression qui viennent avec.

« Les joueurs me connaissent. Faites-moi confiance », avait dit Jones. « Tout ce que je veux c’est de remporter des matchs de football. Je suis très excité vis-à-vis de la chance qui s’offre à moi. »

Ce jour-là, personne n’avait entendu l’optimisme de Jones. Le scepticisme était à son comble. Médias et partisans confondus. La saison des Alouettes semblait, encore une fois, perdue d’avance.

Personne ne s’attendait à quoique de ce soit de positif.

Peut-être avec un autre entraîneur-chef, la saison des Als aurait été aussi désastreuse qu’attendu, en 2019. Toutefois, Khari Jones n’est pas comme tous les entraîneurs-chefs. Il a vu des choses que personne ne voyait pour cette équipe et il était déterminé à confondre les sceptiques.

***

Damian Williams n’était pas de la conférence de presse téléphonique, ce jour-là, en juin, alors que son ami de longue date est finalement devenu entraîneur-chef dans la LCF. Mais il savait qu’il y arriverait.

Williams, 48 ans, est l’entraîneur-chef de l’équipe de balle-molle de l’Université de Willamette à Salem, en Oregon.

Lui et Jones se sont rencontrés à l’âge de sept ans. Ils vivaient dans le même immeuble d’habitation à North Highlands, en Californie, au nord-ouest de Sacramento. Ils partageaient une passion pour le football et le baseball, ce qui les a rapprochés depuis tout ce temps. Lorsque Jones a amorcé sa carrière dans la LCF avec les Lions de la Colombie-Britannique, Williams vivait à Seattle et il allait voir tous ses matchs. Au moment où nous lui avons parlé, il s’en allait à Montréal, le lendemain, pour y voir les Als affronter les Tiger-Cats de Hamilton, le 26 octobre dernier.

« Il est un entraîneur depuis qu’il a 8 ans », nous dit Williams.

« Que ce soit lorsque nous jouions dans le parc, chez nous, les fois où nous allions dormir chez l’un et chez l’autre. Il disait déjà à tout le monde comment faire et à quelle position ils devaient être. »

« Je me souviens, au secondaire, il jouait à la position d’arrêt-court et je jouais au deuxième but. Il y avait des trucs que je n’étais pas capable de faire. Un jour, il m’a arrêté et m’a dit “Viens, on va arranger ça. Je suis tanné que tu rates des balles.” Votre meilleur ami vous dit ça », dit Williams en riant, se remémorant la scène.

« J’ai toujours su qu’il serait un sportif professionnel et qu’un jour il serait entraîneur. Ça allait de soi. Il l’a fait toute sa vie. »

Williams se remémore sa relation d’amitié avec Jones et constate une tendance.

« Il met tellement bien les choses en perspective. Sur le terrain et hors de celui-ci. Il est en mesure de guider les gens avec calme et en faisant la conversation. Il a les idées claires. »

Manziel (gauche) et Sherman (droite) sont maintenant partis, laissant la place à Jones (centre), celui qui a de l’expérience dans la LCF et qui est à deux victoires de mener son équipe au match de la 107e Coupe Grey (The Canadian Press).

Williams se rappelle l’époque où ils étaient encore petits et que Jones jouait à la position de quart-arrière. Ils avaient 10 ans. Pas beaucoup de passes durant cette période, dit-il, mais Jones jouait à cette position puisqu’il avait le don du leader.

« Étant enfant, adolescent, joueur professionnel, il a toujours eu la capacité de voir les choses, la vie, selon une perspective claire, nette et large », dit Williams.

« C’est un excellent communicateur. »

Jones a appelé Williams en Juin, pour lui annoncer qu’il était devenu le nouvel entraîneur-chef des Alouettes. Williams était au courant de la situation des Als et il savait que son ami prenait cet emploi au pied levé. Il a demandé ce que tout ami demanderait.

« Je lui ai parlé du “timing” », dit-il.

Jones lui a alors expliqué qu’il avait passé une saison avec les Als comme coordonnateur offensif et qu’il était prêt pour le nouveau défi. Il connaissait les joueurs et vu la situation, il croyait que c’était un bon «timing», justement.

« J’étais très satisfait de sa réponse. Je savais que ça allait bien aller. »

« Il n’est pas inquiet vis-à-vis des circonstances. Il se soucie plutôt des moyens à prendre pour avoir du succès dans ces circonstances. Voilà la leçon d’une vie : “Peu importe la façon dont je suis arrivé ici. Ce sera plutôt ce que je ferai avec cette opportunité qui importera”. »

« Je crois qu’il voit et comprend des choses que la majorité des gens ne voit pas. »

***

Ray Jones a toujours eu un plan bien défini.

Bien que l’incertitude du quotidien de la vie plane sur tous les parents, dès le moment où Khari a vu le jour, Ray savait ce qu’il voulait pour lui. Il savait quel genre d’homme il voulait que son jeune fils devienne.

« Nous voulions être de bons parents », dit Ray, en direct de sa maison, à Tampa, en Floride.

Khari est né à Hammond, en Indiana, mais la jeune famille a déménagé en Californie lorsque Khari avait six ans et son frère Jamie trois ans. Ray a joint l’armée de l’air au début de sa vingtaine et la famille s’est alors installée à North Highlands. Ray était l’entraîneur de football de Khari, mais aussi de baseball et de basketball. Il l’a initié aux sports alors qu’il n’avait que deux ans. Il croyait voir un arrêt-court en lui, dit-il, jusqu’à ce que Khari rencontre Williams. Il a alors commencé à jouer au football.


Les succès de Jones comme joueur sont venus aussi rapidement que ses succès comme entraîneur-chef, alors qu’il a été nommé joueur par excellence de la LCF à sa deuxième saison dans le circuit canadien, participant au match de la Coupe Grey avec les Bombers (The Canadian Press).

Ray a grandi à Chicago et il adorait le baseball.

Lorsque ses garçons étaient encore très jeunes, il les amenait au parc et ils le regardaient jouer au baseball et au basketball.

« Ils s’assoyaient sur les lignes de côté et ils me regardaient dominer », dit-il.

Sans s’arrêter…

« Je voulais qu’ils voient ce qu’étaient ces sports. Même lorsque nous jouions aux jeux vidéo, je m’en servais comme apprentissage. Je ne les laissais jamais gagner, alors lorsque ça arrivait, je devais m’avouer vaincu. Ils appréciaient ces moments. »

« Et c’était toujours fait avec beaucoup d’amour », poursuit-il. « Nous devions être les “méchants” parfois, mais leur mère et moi avions un plan. Ils allaient la voir lorsqu’ils en avaient besoin, mais tous les deux, nous avons veillé à leur bonne éducation. »

Ils avaient du plaisir à pratiquer des sports et Ray les entraînait, leur enseignait. Mais le but de tout cela était de les préparer pour la vraie vie. La pratique du sport a permis cela. Et l’école était tout aussi importante. Ray est très fier de mentionner que le QI de Khari avait été mesuré autour de 142, lorsqu’il était au secondaire.

Khari a été à l’Université UC Davis, sans bourse scolaire et il y a joué au football. C’était le troisième choix de sa famille, derrière Stanford et Berkeley. Mais Davis aura été un endroit parfait pour Khari, aux yeux de ses parents. L’éducation scolaire primait là-bas.

« S’il y avait un examen et un entraînement en même temps, l’examen passait en premier », dit Ray.

« L’éducation primait sur le sport. Cette équipe ne possédait peut-être pas les meilleurs athlètes, mais ils étaient tous très intelligents et utilisaient leurs têtes. Ils réfléchissaient beaucoup et ils étaient très disciplinés. »

Chaque jour, Khari marche du terrain d’entraînement des Als au Stade olympique jusqu’à son appartement du Centre-Ville et il appelle sa famille. Il jase avec Ray de ce qui se passe avec son équipe, il jase aussi de sa propre famille et juste de la vie en générale. Ray a scruté la LCF pendant 22 ans – tout le temps que Khari y a évolué, à ce jour. Il se rappelle du temps où il était son entraîneur, lorsque certaines personnes lui disaient qu’il était trop dur à son endroit et il sait et il voit que ç’a porté ses fruits. Il s’en souvient, alors qu’il voit son fils jouer un grand rôle dans la saison surprenante des Alouettes.

« Toujours en l’aimant de toutes mes forces, je lui ai mis beaucoup de pression. Je préparais mes enfants à la vraie vie. Si vous êtes capables d’en prendre à la maison, eh bien, je ne serai pas inquiet pour vous dans cette jungle qu’est la vie », dit Ray.

Et cette année, nous avons pu le voir… Que ce soit Khari qui danse sur les lignes de côté, lors d’un match serré ou que ce soit Khari qui ne se laisse pas atteindre par tout ce qui a entouré la formation montréalaise durant la saison – congédiements, vente de l’équipe, etc.

« Tout ce qu’il vit, maintenant, il l’a déjà vécu, et ce, depuis qu’il est tout petit », dit Ray. « Sa mère et moi l’avons préparé à ça. »

***

Jones était un étudiant à l’Université UC Davis et un quart-arrière « redshirt » dans l’équipe de football, lorsqu’il est allé voir son entraîneur-chef, Bob Biggs, à propos de quelque chose qui l’intéressait grandement.

Ce n’était pas à propos d’avoir plus de temps dans la salle d’entraînement ou de travailler avec un entraîneur spécialiste, non. Il avait obtenu un rôle dans une pièce de théâtre et il voulait voir comment il pouvait jongler avec l’horaire des répétitions et celui des entraînements. Il jouait Juan Peron dans la pièce de théâtre musicale Evita.

« Je me souviens que ma femme et moi sommes allés le voir jouer et, vous savez, mes attentes n’étaient pas très élevées », se remémore Biggs, qui est maintenant à la retraite depuis 2012, mais qui est toujours très proche de Jones.

« Je savais qu’il étudiait l’art dramatique et que c’était là qu’il avait rencontré sa femme, mais lorsque je l’ai vu sur scène, j’étais étonné et abasourdi. Juan Perron est un gros morceau de l’histoire. »

« Il a eu beaucoup de succès. Nous sommes allés le voir dans d’autres pièces de théâtre également. C’était lui, ça. Lorsqu’il est sur la scène – le terrain de football ou la scène de théâtre—, il se met dans le rôle du meilleur joueur/acteur sur la scène. Il est humble, mais il était un excellent acteur. Vraiment! »

À son pupitre, dans son bureau des Alouettes, Jones pense à sa carrière d’acteur. Il a fait partie de pièces de théâtre et de « musicals » à l’Université et, lorsqu’il a pris sa retraite comme joueur de football dans la LCF, il a engagé un agent et s’est remis à travailler. Il a été commentateur sportif pour la CBC lorsqu’elle présentait des parties de la LCF. Il a obtenu des rôles dans quelques publicités télévisées et dans quelques téléfilms. Ses joueurs sont toujours heureux et amusés de retrouver des extraits du téléfilm «Confessions of a Go Go Girl» – sans nudité, insiste Jones —, dans lequel il personnifiait un directeur général de club sportif.

Biggs n’était pas l’entraîneur-chef typique qui demandait à ses joueurs d’être à 110 % engagé dans le football. La maturité de Jones et le respect qu’il imposait chez ses coéquipiers étaient impressionnants aux yeux de Biggs, et ce, même à l’âge de 17-18 ans. Il ne parlait pas beaucoup. Il était un leader silencieux. Mais la façon dont il s’adressait à ses coéquipiers pour les encourager sortait de l’ordinaire, selon Biggs.

« Je crois que si nous parlions avec les joueurs des Alouettes, ils nous diraient exactement ça. Khari, c’est l’authenticité même. C’est ce qu’il est. »

– Bob Biggs, l’entraîneur de Jones à UC Davis

« Il était très particulier », dit Biggs à propos de Jones.

« Il allait jusqu’à peindre ses souliers or en me disant “Qu’en dis-tu? Je voulais prouver mon point en peinturant mes souliers en or”. »

« Je lui dis “Tu vas être une cible facile à voir, alors tu es mieux de bien jouer”. C’était ça, sa personnalité. Même chose pour ses talents d’acteur. Lorsqu’il était sur la scène, il était plus grand que nature. »

Biggs voulait que ses joueurs se développent à 100 %, en tant qu’athlète, mais aussi en tant que personne. Il a donc dit oui à la demande de Jones pour ce qui est de participer à cette fameuse pièce de théâtre. S’il avait des répétitions en après-midi, Biggs s’arrangeait pour faire ses rencontres en soirée.

Il voulait toujours voir un de ses joueurs comme un potentiel futur entraîneur. À ses yeux, Jones avait un brillant avenir devant lui.

« On peut tellement s’identifier à lui », dit-il. « Il s’entend bien avec tout le monde et je crois que comme entraîneur, la communication et ce genre de rapport avec les gens sont les clés du succès. »

Le père de Khari, Ray, appelle ça la qualité « Obama ». Une qualité que Biggs voit comme la plus importante, dans le but d’avoir du succès comme entraîneur-chef.

« Il faut que tu aies une bonne éthique de travail. Vous pouvez bien être un érudit dans votre domaine, mais il faut être capable de communiquer ce savoir. Khari le fait très bien. »

« Je crois que si nous parlions avec les joueurs des Alouettes, ils nous diraient exactement ça. Khari, c’est l’authenticité même. C’est ce qu’il est. »

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En 2006, Jones vivait à Calgary et lorsqu’il ne travaillait pas pour la CBC, il recherchait du travail comme acteur. Son agent lui a alors présenté une opportunité qui a fait boule de neige.

LivingWorks, un organisme de prévention du suicide, situé à Calgary, a passé Jones en audition pour un rôle d’intervenant virtuel pour un programme numérique qu’il mettait en place.

« Nous avons développé le programme “Living Workspace Talk Training Program” et les intervenants le portent vers les participants », explique Owen Stockden, le responsable des communications corporatives de l’organisation LivingWorks.

« Nous étions à la recherche d’une voie charismatique, avec une personnalité facile d’approche et une bonne dégaine, afin d’aider à promouvoir notre contenu. »

« Lors de nos recherches, Khari était commentateur sportif pour la CBC. Alors il est venu nous voir et il a enregistré quelques vidéos, jouant le rôle d’un intervenant virtuel dans une salle de classe. Par la suite, ces vidéos ont été diffusées à travers les espaces de LivingWorks et de SafeTalk. »

Johany Jutras/CFL.ca

Treize ans plus tard, le travail de Jones circule toujours. Selon Stockden, Jones a un petit «je ne sais quoi».

« La façon dont le programme fonctionne c’est qu’il y a un intervenant dans la salle, jumelé à un intervenant virtuel, qui est Khari dans la vidéo. Certains intervenants nous ont dit – et nous en avons 8000 à travers le monde – que bien qu’ils n’aient jamais rencontré Khari, ils ont tout de même senti qu’ils vivaient les diverses situations présentées, avec lui. »

« C’est un sujet difficile. Peut-être qu’un suicide est survenu dernièrement et que les intervenants en question sont en train de le vivre. Alors cet intervenant virtuel devient comme un réel compagnon de route. C’est ce qu’ils ressentent. »

Au départ, Jones s’est amené dans le projet comme si ce n’était qu’un autre contrat de jeu. Une fois amorcé, il a réalisé qu’il pouvait y ajouter sa touche personnelle.

« De ce que je me souviens, c’était un processus, étape par étape, sur comment se remettre d’un suicide survenu dans une famille. Un mode d’emploi pour les survivants du suicide ou pour ceux et celles qui avaient des idées noires », dit Jones.

« C’était vraiment intense. J’ai vraiment commencé à aimer ce projet et je ne savais pas à quel point ils utiliseraient ce matériel dans les années à venir. »

Jones n’a pas voulu entrer dans les détails, mais il a dit que dans sa vie, il a connu quelqu’un, proche de lui, qui a tenté de se suicider. Cette personne est toujours en vie et Jones admet qu’elle va beaucoup mieux maintenant.

« Ça peut arriver à n’importe qui », dit Jones.

Selon Stockden, cet aspect de la vie de Jones a apporté de l’authenticité dans l’approche de ce projet qu’il a fait avec LivingWorks. Et c’est en partie pourquoi ces vidéos sont encore en circulation.

« Avec ce genre de sujet, l’authenticité est primordiale », dit-il.

« À travers notre travail, nous essayons d’être le plus sensible possible et, le mieux que nous pouvons, nous tentons de refléter ce que les gens touchés de près ou de loin par le suicide ont vécu ou vivent encore. Le matériel que nous avons créé aide vraiment ces personnes. »

Alors que Jones sera connu davantage au Canada pour sa carrière dans la LCF et, maintenant, pour ses succès comme entraîneur-chef, le monde de la prévention du suicide – et des soins de la maladie mentale en général – le connaîtra sous un autre jour.

« Près de 500 000 personnes auraient vu les vidéos de Khari dans ces classes, les préparant à devenir des intervenants dans la prévention du suicide », dit Stockden.

L’objectif des vidéos de l’organisme LivingWorks était de pouvoir aider n’importe quel organisme et espace de travail, n’importe quelle école ou n’importe quel quartier, en ce qui a trait à la prévention du suicide.

« Tout le monde peut agir », dit Stockden. « Notre approche en est une d’empowerment, afin de responsabiliser les gens vis-à-vis du suicide. Et Khari nous a aidés à réaliser notre projet. »

***

À travers leur route vers leur meilleure saison depuis 2012, l’édition 2019 des Alouettes de Montréal a tranquillement adhéré à la personnalité de son entraîneur-chef.

Ils s’amusent sur le terrain, ils ont le feu dans les yeux, ils veulent prendre des risques et ils assumeront les conséquences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Lorsqu’ils ont remporté la victoire en double prolongation à Calgary, à la suite d’une remontée spectaculaire – la première victoire des Oiseaux au McMahon Stadium en 10 ans —, Vernon Adams Jr. pleurait dans le vestiaire.

Quatre semaines plus tard, lorsque les Als ont effectué une autre remontée spectaculaire, à domicile, pour l’emporter contre les Blue Bombers de Winnipeg – la formation avec laquelle Jones avait remporté le titre de joueur par excellence de la LCF —, c’est l’entraîneur-chef qui pleurait dans le vestiaire.

Deux des moments les plus forts de la saison des Alouettes, en 2019.

« Je n’ai pas peur d’être vulnérable devant eux », dit Jones. « Mais être vulnérable devant des gars, c’est dur. »

« C’est dur, mais je veux qu’ils voient ça. Je veux qu’ils sachent qu’ils ont le droit d’être vulnérables. Voilà pourquoi je crois que les joueurs sont si près l’un de l’autre. »

« Ils se chicanent et débattent, lors des entraînements. Je tolère ça, pas de problème. Je veux qu’ils soient eux-mêmes, avec une certaine limite », dit-il en riant.

Tout au long de cette conversation, Jones a laissé la porte de son bureau ouverte. Ces adjoints venaient le voir ponctuellement avec des questions, ou avec de l’information à lui transmettre. Sans crier gare, deux joueurs entrent dans la pièce, riant de bon cœur. C’était presque étourdissant. Ils parlaient d’un jeu truqué qu’ils avaient essayé lors de l’entraînement, ce jour-là, et à quel point ça avait fonctionné. Jones s’est tout de suite inséré dans la conversation, riant et criant avec eux. Ils sont partis et Jones riait toujours.

Une ambiance tellement différente de celle de l’an dernier, lorsque les Alouettes avaient transigé pour Manziel, plaçant l’organisation sous les projecteurs pour les mauvaises raisons. La victoire change beaucoup de choses pour une formation de football. Mais le bon groupe de personnes doit être en place pour y arriver.


Cette saison, Jones a su transmettre sa passion du football et son désir de vaincre à ses joueurs (The Canadian Press).

« Nous le voyons et nous l’entendons. Ils s’aiment, ils s’aiment vraiment », dit Jones. « Ils sont ici toute la journée et ils jouent au basketball (dans le vestiaire), faisant des blagues et passant du temps ensemble. Et ces éléments sont importants pour l’esprit d’équipe. C’est ce qui gardera l’équipe ensemble dans les moments les plus difficiles. Ils auront confiance l’un envers l’autre. »

« J’ai vraiment pris autant de temps pour développer ce côté humain que pour développer l’aspect football. Pour que la chimie s’installe. C’est un travail continu, mais, jusqu’à maintenant, dans un court laps de temps, j’aime ce que je vois. »

Lors des années qui ont suivi la retraite de Anthony Calvillo, les Alouettes n’étaient plus les mêmes. Il y a encore du travail à accomplir, mais alors que les Als se préparent à accueillir les Eskimos d’Edmonton, au stade Percival-Molson, dans le cadre de la demi-finale de l’Est, ce dimanche, Montréal a semblé renaître cette saison, dans la LCF.

Jones affirmera que ce n’est pas entièrement grâce à lui, mais qu’en serait-il de la saison des Alouettes, si Sherman n’avait pas été libéré? Ou si la formation montréalaise n’avait pas confié le poste à Jones, juste avant le premier match de la saison, à Edmonton?

Parfois, les choses doivent arriver d’une certaine façon.

« Ça fait six ans que je suis ici. J’ai déjà joué ici, à l’époque », dit l’entraîneur des demis offensifs André Bolduc, celui que Jones nomme pour expliquer le succès de certains jeux truqués, utilisés cette saison.

« Je suis connecté à cette équipe depuis 1998. L’ambiance est excellente en ce moment et les partisans le méritent. En 2014, nous avons accédé aux matchs éliminatoires sous les ordres de Tom Higgins et, par la suite, plus rien. »

« En plus, les Canadiens de Montréal n’ont pas fait les séries, lors des deux dernières années », dit-il. « Ils n’ont fait les séries qu’une seule fois, au cours des quatre dernières saisons. »

« Je crois que cette ville a besoin d’un remontant. Les Montréalais et les Montréalaises ont soif d’équipes gagnantes. Ils veulent nous appuyer, comme ils l’ont fait le 5 octobre dernier, dans la victoire contre Calgary. C’était un moment incroyable et j’ai très hâte au match de dimanche prochain. Ça va être super d’avoir l’appui des partisans. »

Ray Jones se souvient d’avoir vu les Als passer d’une séquence de trois victoires de suite à une séquence de deux défaites d’affilée, au mois d’août dernier. Lorsqu’il a vu son fils sortir du terrain, il lui a envoyé un message texte. Le voici :

« Hey mon gars. Je viens de te voir sur les lignes de côté. J’aimerais revoir ton enthousiasme des matchs précédents. Les cris d’encouragement, l’excitation. Tu es au sommet de ta forme lorsque tu es passionné et excité. Et c’est contagieux pour ton équipe. Tu n’es pas en train d’auditionner pour un emploi et peut-être que tu ne t’en rends pas compte, mais nous savons qui tu es. Laisse ton père voir le joueur d’arrêt-court qui n’a pas peur de se salir. Souris, même lorsque c’est dur. »

Ray s’arrête, rempli d’émotion. Un peu comme son fils le ferait, à la suite d’une victoire spectaculaire des Alouettes. Il se remet à lire, afin de terminer le message.

« Sois toi-même. Tu y arriveras. »

« Je t’aime mon gars. Mange quelque chose. »

D’après un article de Chris O’Leary, paru sur CFL.ca