Certains connaissent plus Johnny Rodgers sous le nom de « Ordinary Superstar », mais il n’y a rien d’ordinaire à propos de lui.
À l’autre bout du fil, l’ancien receveur des Alouettes maintenant âgé de 69 ans est d’une humeur infectieuse. Il Iance des blagues, chantonne et raconte avec entrain qu’il se prépare à aller jouer au racketball plus tard cet après-midi. C’est un personnage, un personnage attachant qui a toutes sortes d’histoires à raconter.
Né dans la pauvreté à Omaha au Nebraska, Rogers aurait facilement pu devenir victime de son environnement. Mais sa volonté à surmonter tous les obstacles dressés sur son chemin lui a permis de devenir un des meilleurs joueurs de football universitaire de tous les temps. Il joué comme retourneur de bottés, receveur et demi offensif pour les Cornhuskers de l’Université du Nebraska et brisé quasiment tous les records offensifs de l’équipe. Il a gagné le trophé Heisman en 1972, remis au meilleur joueur de football universitaire, devenant ainsi le premier receveur et le premier joueur natif du Nebraska à remporter le prestigieux titre.
L’année suivante, Rodgers est le choix de première ronde des Chargers de San Diego lors du repêchage de la NFL, mais fini par accepter une offre des Alouettes de Montréal. ll devient du même coup le premier joueur à signer un contrat rapportant plus de 100 000 dollars par saison.
« Les Alouettes m’ont donné accès à une plateforme pour devenir le meilleur joueur possible. À cette époque, j’étais à la hauteur des attentes que l’équipe avait de moi. Surtout parce que j’avais un bon entraîneur, une bonne équipe, et surtout une incroyable ville derrière moi. »
Du haut de ses 5 pieds 10 pouces et 180 livres, Rodgers n’était pas le plus gros joueur de l’équipe, mais il mettait à profit ses compétences sur le terrain avec finesse et avait une capacité à attraper les ballons qui sortait de l’ordinaire. À ce jour, on se souvient encore de lui comme un des joueurs les plus excitants de la Ligue canadienne de football.
« Et bien, c’était parce que je pouvais attraper un ballon dans le noir à minuit sans lune avec des lunettes de soleil. Les gens aimaient voir ça. Je marquais même mes touchés en courant en arrière. J’avais tellement d’avance sur les joueurs que j’avais le temps de me retourner et de courir par en arrière. La foule était en délire parce que c’était assez dangereux. Les partisans venaient pour être divertis, et c’est ce que j’essayais de faire. »
Rodgers était un vrai showman sur le terrain et hors du terrain. Son style excentrique et parfois controversé attirait des dizaines de milliers de partisans à l’Autostade de Montréal et faisait couler de l’encre. À travers la ligue, il était connu sous « The Ordinary Superstar » (Superstar Ordinaire), un nom qu’il s’est lui-même donné.
« J’ai eu l’idée d’utiliser ce surnom parce que je voulais que les gens puissent s’afficher à moi. Oui, j’accomplissais des exploits impressionnants, mais j’étais juste un petit gars de Omaha au Nebraska, un gars ordinaire qui était capable d’accomplir des exploits extraordinaires avec l’aide d’une bonne équipe et d’une bonne administration. »
Rodgers s’est avéré un précieux atout à l’équipe, remportant un titre de Recrue de l’année, quatre titres d’étoile de l’Est, trois titres d’étoile de la LCF et deux trophées Jeff Russell Memorial au cours de ses quatre saisons dans le nid. Il a également aidé l’équipe à remporter la Coupe Grey de 1974.
« Je me souviens à quel point c’était important pour nous de se rendre à la finale et de remporter la Coupe. On avait d’excellents joueurs avec Peter Dalla Riva et Ian Mofford, entres autres. Notre équipe était tissée très serrée. »
Après avoir fait ses preuves à Montréal, Rodgers voulait tenter sa chance avec les Chargers de San Diego dans la NFL en 1977. « À cette étape de ma carrière, je voulais voir à quel niveau je pouvais me rendre. » Malheureusement, les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu. « Lors de ma première année, je me suis étiré l’ischio-jambier. L’année suivante, un de mes coéquipiers a pilé sur mon pied durant une pratique et je me suis brisé la rotule. C’était la fin de ma carrière. »
Sa blessure était si sévère que les médecins ne savaient pas s’il allait être capable de marcher de nouveau. Mais fidèle à son habitude, il a continué à foncer et s’est complètement rétabli après quelques opérations.
Devoir mettre fin à une carrière florissante si abruptement est dévastateur pour tout athlète, mais au lieu de jouer la victime, Rodgers a recentré ses énergies et a décidé de se tourner vers l’entrepreneuriat et la philanthropie.
Il y a quelques années, il a mis sur pied la bourse « Johnny Rodgers Career and Technical Education Scholarship » pour fournir aux étudiant défavorisés l’opportunité de poursuivre une formation pour une carrière ou un métier spécialisé. « Je viens d’une école de métiers moi-même. Les métiers spécialisés sont assez prévalents ici. On donne des bourses pour aider les gens à retourner à l’école et avoir une seconde chance de poursuivre une carrière. Notre plus jeune récipiendaire avait 18 ans et le plus vieux, 62 ans. »
« On souhaite leur donner l’occasion d’exploiter leurs compétences. Comme tout le monde, ils veulent tout simplement avoir l’opportunité de devenir la meilleure version d’eux-mêmes. » Rodgers est un modèle pour ces hommes et ces femmes provenant de milieux moins fortunés, car lui aussi provient d’un milieu plus modeste et a dû se battre pour tout ce qu’il a eu. « Tout est atteignable, mais il faut travailler pour. Les gens ne donnent pas des emplois, tu dois choisir ce que tu veux faire et travailler pour l’obtenir par choix, et non par chance. »
Il s’est donné pour mission d’aider les jeunes à obtenir des opportunités pour améliorer leur sort et contrer le racisme qui les empêche d’atteindre leur plein potentiel. « Je vois de l’injustice et du racisme trop souvent, et c’est causé par un manque d’éducation et de formation dans notre système. »
« On doit tous essayer de voir ce que l’on peut faire pour s’entraider. Si on travaille toujours les uns contre les autres, on se tire une balle dans le pied. C’est notre devoir d’apprendre à travailler ensemble. Il n’y a pas de différence entre nous, le sang est rouge pour tout le monde. On a différentes teintes de peau, c’est tout. On est des êtres humains. En fait, non, on devient des êtres humains. On est en constante évolution et on doit essayer de devenir de meilleurs êtres à chaque jour. »